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Uniforme scolaire : la tentation de la loi

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Il aura suffi de quelques mots de l’épouse du Président de la République pour rallumer la controverse sur le port de l’uniforme à l’école. Au détour d’un entretien avec les lecteurs du journal Le Parisien, publié début janvier 2023, Brigitte Macron se déclarait favorable à « une tenue simple et pas tristoune ». Elle déclenchait ainsi un feu croisé entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, ceux qui veulent une loi et ceux qui n’en veulent pas, ceux qui ont des idées sur le style, sur le prix, sur le mode d’emploi de l’uniforme.

Un emballement de courte durée, affolant les moteurs de recherche internet et les réseaux sociaux pendant trois semaines, avant que les esprits et les médias passent à autre chose.

Pour qui s’intéresse à l’uniforme scolaire de manière pérenne, ces controverses ressemblent à un « marronnier », un sujet qui revient régulièrement sur le devant de la scène avant de tomber en sommeil jusqu’à une prochaine fois.

Seize propositions de loi en dix ans

Un bon témoin de cette récurrence du débat, c’est le retour périodique de tentatives de légiférer sur le sujet de l’uniforme scolaire.

Pour en avoir le cœur net, nous nous sommes plongés dans les archives ouvertes de l’Assemblée nationale et du Sénat en remontant sur les vingt dernières années, depuis 2002. Et voici ce que nous avons trouvé.

Au cours de cette période, seize propositions législatives ont été déposées à propos du port de l’uniforme à l’école. Précisons d’emblée qu’aucune d’entre elles n’a été adoptée. Leur lecture n’en est pas moins instructive pour comprendre ce que recouvre cette tentation de légiférer.

Quinze sont des propositions de loi stricto sensu et la dernière un amendement à un projet de loi. Neuf propositions ont été déposées à l’Assemblée nationale et sept au Sénat.

Ces seize propositions sont intervenues au cours des dix dernières années, depuis 2013. Entre 2002 et 2013, pas de proposition de loi ; en revanche, on trouve trace d’une question écrite au gouvernement, datant du 17 octobre 2006, par laquelle le député Eric Raoult demande au gouvernement un état des lieux de l’obligation du port de l’uniforme dans les écoles publiques au sein des Etats membres de l’Union européenne.

Une certaine pudeur à utiliser le terme « uniforme scolaire »

En termes de contenu, toutes ces propositions visent à rendre obligatoire le port de l’uniforme scolaire.

Le terme d’uniforme n’est cependant pas systématiquement employé : seules deux propositions utilisent cette expression, les autres préférant « tenue commune » (deux fois), « tenue uniforme » (six fois), « tenue d’établissement uniforme » (une fois), « tenue vestimentaire uniforme » (une fois), « tenue vestimentaire portée par l’ensemble des élèves au sein de l’établissement » (une fois) ; trois propositions enfin mentionnent « un vêtement, blouse ou uniforme ».

Toutes les propositions renvoient au règlement intérieur de chaque établissement la définition des vêtements composant l’uniforme, la loi se bornant donc à poser le principe de l’obligation et assignant au chef d’établissement et à la communauté éducative qui l’entoure la responsabilité d’en préciser les modalités.

On trouve en revanche quelques variantes d’une proposition à l’autre touchant au périmètre des établissement concernés. Sur les seize propositions, une concerne seulement l’école primaire, sept incluent l’école et le collège, et huit portent sur l’ensemble des établissements, du primaire au lycée.

Qui paie ?

La différence la plus marquante entre les textes tient au financement de l’uniforme.

Les propositions les plus récentes, à partir de 2020 (propositions des 13 décembre 2022 et 3 mars 2023 au Sénat, propositions des 14 décembre 2020, 20 septembre 2022 et 2 novembre 2022 à l’Assemblée nationale) incluent toutes une disposition prévoyant une subvention de l’Etat, sous conditions de ressources, aux familles ayant des enfants scolarisés dans des établissements publics pour aider à l’acquisition de l’uniforme désormais obligatoire.

Et puisque le droit budgétaire impose que toute dépense additionnelle proposée par les parlementaires soit assortie d’une ressource de même montant, toutes ces propositions de loi prévoient de compenser la charge budgétaire qui en résulterait par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

Et les enseignants ?

Pour terminer ce panorama, mentionnons une curiosité : la proposition de loi du 28 mai 2015, déposée par le député Jean-François Mancel, comporte également une disposition relative à la tenue des enseignants, en ces termes : « Le chef d’établissement veille à ce que le corps enseignant porte une tenue conforme à l’autorité que doit inspirer un enseignant. »

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