Du système scolaire français, chacun connaît les deux principales composantes : l’école publique et l’école privée sous contrat. La troisième composante, en revanche, celle des écoles privées hors contrat, reste largement méconnue, ou pire, connue seulement lorsqu’un incident plus ou moins grave, parfois une sanction administrative ou judiciaire, la propulse à la une des journaux comme récemment encore à Echirolles près de Grenoble.
Sous le titre « Ecoles hors contrat : terreau de la radicalité ou laboratoire d’innovations éducatives et citoyennes ? », une étude publiée en septembre 2018 par la direction de la prospective et du dialogue public de la Métropole de Lyon vient à point nommé mettre en lumière, par des analyses chiffrées et des enquêtes de terrain, la réalité de ce secteur.
Premier enseignement de l’étude : le dynamisme des créations d’écoles hors contrat au cours des années récentes
Ces écoles n’accueillent certes qu’une part infime des effectifs scolarisés en France (70.000 élèves sur un total de 12,5 millions, soit à peine plus d’un demi pour cent) ; en revanche, leur progression est impressionnante.
Pour s’en tenir au seul sous-ensemble que constituent les écoles primaires et les collèges (donc hors lycées et formation professionnelle), le nombre d’établissement est passé de 445 à 783 entre 2011 et 2016, le nombre de créations de nouveaux établissements de 31 à 122 entre la rentrée 2011 et la rentrée 2016 et le nombre d’élèves scolarisés de 34.220 à 47.494 entre 2013 et 2016.
Deuxième enseignement : la diversité des projets d’établissements
Environ un quart des établissements hors contrat portent un projet confessionnel, avec quatre religions représentées : catholique, protestante, juive et musulmane. Les autres définissent leur projet d’établissement par une approche pédagogique (méthode Montessori, Freinet, Steiner par exemple), par une attention portée à des publics spécifiques (enfants frappés de troubles de l’apprentissage, enfants précoces, habitants de territoires défavorisés), ou encore par une vision politique ou sociale (écoles régionalistes, écoles internationales, écoles démocratiques, écoles promouvant l’éco-citoyenneté). Bien des écoles croisent d’ailleurs plusieurs de ces dimensions.
Au total, indiquent les auteurs de l’étude, le secteur privé hors contrat se révèle être un formidable laboratoire d’innovation et d’expérimentation, avec pour seule contrainte légale le respect de l’article L 442-2 du code de l’éducation qui limite le contrôle de l’Etat « aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l’obligation scolaire, à l’instruction obligatoire, au respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention sanitaire et sociale. »
Troisième enseignement, en forme de question : comment ce secteur hors contrat se relie-t-il au reste du système d’enseignement ?
Les auteurs de l’étude relèvent tout d’abord une grande différence entre deux types d’écoles : celles qui sont hors contrat et entendent le rester, et celles qui au contraire n’envisagent ce statut que comme une étape vers la contractualisation. Les premières revendiquent leur statut hors contrat comme gage de leur liberté pédagogique. Les autres se trouvent hors contrat par défaut, parce que de création trop récente (le contrat ne peut être obtenu qu’au terme d’un minimum de cinq années d’existence) ou bien installées dans un territoire dont les besoins éducatifs sont considérés par l’administration comme suffisamment pourvus.
Au-delà de ces horizons temporels différents, les établissements qui développent une pédagogie alternative hésitent entre deux postures : à côté ou devant, marginaux ou précurseurs.
Certains entendent cultiver leur différence : ils se voient délibérément en marge du système, qu’ils n’entendent aucunement influencer ; ils portent une vision de la société comme collection de multiples communautés aux croyances, identités et pratiques diverses dont les écoles seraient le creuset. D’autres en revanche se conçoivent comme des pionniers, expérimentateurs de pratiques dont ils espèrent démontrer les vertus, et qu’ils aimeraient propager ensuite dans l’ensemble du système ; ils se veulent aiguillons d’un système éducatif qui, à leurs yeux, est trop lent à s’adapter aux exigences du monde contemporain.